Divination au moyen des sacrifices religieux. Religieux s’entend ici seulement de l'antiquité.
Cette divination était de deux sortes distinctes :
La première s’établissait sur les conjectures d’abord de l’intérieur de la victime et de ses divers mouvements; puis de l'observation des entrailles, de la rapidité avec laquelle la flamme les consumait, des gâteaux et de la farine, du vin, de l’eau et de tous les objets employés dans la cérémonie.
Si la victime opposait quelque résistance à l'approche de l’autel, si elle tentait de fuir et de se dérober au coup fatal, si elle expirait dans une longue et douloureuse agonie; ou bien si, frappée de mort soudaine et sous l’impression d'une légitime terreur, elle tombait avant d'avoir été atteinte par le couteau, ces divers symptômes, ainsi que tous ceux qui s'écartaient de la règle ordinaire des sacrifices, passaient pour autant de présages fâcheux, de nature à mal disposer la divinité.
Les dieux, au contraire, étaient tenus pour favorables et parfaitement disposés à bien accueillir l’hommage qu’on leur rendait, lorsque la victime marchait sans contrainte et comme spontanément à l’autel, recevait le coup mortel avec résignation et expirait sans pousser le moindre gémissement.
Et, comme les sacrificateurs ne dédaignaient pas une petite tricherie pour obtenir des présages heureux, on allait jusqu'à verser de l’eau dans l’oreille de l’animal sacrifié, pour provoquer de sa part un mouvement de la tète qui était censé exprimer son consentement.
On observait aussi les mouvements de la queue, et, à cet effet, on déchirait avec un couteau le corps de la victime dans toute sa longueur, depuis la tête jusqu’à la queue. La queue, lorsqu’elle était sur le brasier, se recourbait-elle, se tortillait-elle par suite des convulsions causées par la chaleur, c’était un signe déplorable; Pendait-elle ou s’étendait-elle horizontalement, c’était un pronostic de chute; se dressait-elle verticalement en l’air, c’était un présage de victoire et de bonheur.
Après cet examen préalable et pour ainsi dire interne, on procédait au second mode, à la seconde sorte de hiéromancie : On ouvrait les plaies de la victime, et l’on passait à l'observation des entrailles, que l’on jetait toujours au milieu des flammes.
On supposait, pour expliquer l'origine de cette méthode, qu'à la mort de la sibylle de Delphes, les esprits animaux poussèrent dans les plantes qui servaient de nourriture aux bestiaux, et communiquèrent ainsi aux animaux le don de prophétie.
On attribuait de même aux parcelles atomiques du corps de la prophétesse répandues dans l’air le don des présages au moyen des sons.
Pour en revenir à l’examen interne des victimes, et aux interprétations auxquelles il donnait-lieu, les entrailles entières, saines, bien placées, d’une belle couleur et d’une juste proportion, étaient jugées comme un signe favorable. Dans le cas contraire, on en tirait un présage funeste. Des entrailles palpitantes n’annonçaient rien que de fâcheux. La partie principale à observer était le foie. S’il était corrompu, on croyait le reste du corps affecté de cette souillure et l’on renonçait à poursuivre l’examen : C’était cette opération qu’on nommait hépatoscopie. Si le foie était naturellement rouge, s’il était sain et sans tache, si sa tête était grosse, s’il avait deux têtes ou s’il y avait deux foies, si les poches étaient tournées en dedans, c’étaient autant de signes de succès et de prospérité. Au contraire, on avait à redouter des périls, des désappointements et des revers, s’il y avait trop de sécheresse ou un nœud entre les deux parties du foie, s’il était sans lobe ou s’il manquait tout à fait; s’il était rétréci, mince, dur, décoloré, rempli d’humeurs viciées ou corrompues; s’il était déplacé, si, en le faisant bouillir, il ne se détachait pas d’une manière sensible du reste des entrailles, ou enfin s’il s’amollissait. Un foie resserré ou enveloppé annonçait un prochain malheur.
Le sacrificateur procédait ensuite à l’examen du cœur. Un cœur petit, maigre, et dont les palpitations étaient fréquentes, était d’un triste présage; l’absence totale du cœur annonçait un événement des plus terribles. Après le cœur venaient le fiel, la rate, les poumons et les membranes dans lesquelles les entrailles étaient enveloppées. La rencontre de deux fiels ou d’un fiel volumineux et facile à se déborder annonçait des débats violents, des combats sanglants, mais dont l’issue serait favorable.
La rencontre de la rate dans sa place ordinaire, mais pure, saine et dans sa couleur naturelle, était un signe de succès. Si les entrailles glissaient dans les mains du sacrificateur, si elles se présentaient tachetées de sang ou d’une couleur livide, souillées de pustules, déchirées, desséchées, comme des corps en putréfaction ou déjà attaqués par les vers, c’était un signe de calamité.
Des poumons fendus indiquaient qu’il fallait suspendre toute entreprise commencée; des poumons sains et intacts invitaient à se confier à la fortune. Les autres parties de la victime portaient autant de signes, soit heureux, soit funestes, surtout lorsqu’une de ces parties se présentait conformée d’une manière extraordinaire et qui semblait s’écarter des lois de la nature.
Nous n’avons fait qu’ébaucher la matière, qui suffirait à remplir les pages d’un gros livre; nous pensons toutefois que ces quelques lignes suffiront pour satisfaire la curiosité du lecteur et lui donner une idée de la façon dont se pratiquait la principale science divinatoire des anciens.
Tiré de 'L'art de tirer les cartes' par Antonio Magus, 1875.