Système de divination pratiqué au moyen de baguettes, de verges ou de bâtons.
Suivant Hérodote, les femmes des Scythes cherchaient et ramassaient les baguettes les plus droites pour les employer à cette superstition. Les mages, si l'on en croit Strabon, se servaient pour la rhabdomancie de branches de laurier, de myrrhe et de brins de bruyère. Les Scythes employaient des baguettes de saule. Les Tatars et les Algériens ont eu aussi une sorte de rhabdomancie. Tacite parle de celle des Germains, et Ammien Marcellin de celle des Alains. On peut rapporter à ce système de divination la fameuse flèche d'or donnée à Abaris par Apollon, et sur laquelle les écrivains anciens racontent tant de fables si invraisemblables, qu’Hérodote lui-mème n’ose pas les vérifier et les rapporter.
Suivant d’autres écrivains moins scrupuleux, Abaris chevauchait à travers les airs sur sa flèche d’or, passait ainsi les fleuves, les mers et visitait tous les lieux inaccessibles aux autres mortels.
Cette flèche n’est pas sans quelque analogie avec le manche à balai des sorcières du Blocksberg.
Les Grecs avaient surnommé Abaris l’aérobate,et prétendaient qu’il avait été le maître de Pythagore. Ils lui prêtaient aussi la puissance de dissiper les orages, de chasser la peste et la faculté de prédire l’avenir; enfin on assurait que, par ses sortilèges, il avait trouvé le moyen de vivre sans manger ni boire. On dit encore que c’est lui qui fabriqua avec les os de Pélops une figure de Minerve, qu’il vendit aux Troyens comme un talisman divin dont la vertu rendrait à tout jamais la ville de Troie imprenable. C’était le fameux Palladium.
De tout temps on a attribué au bâton ou à certaines baguettes un grand nombre de propriétés miraculeuses. L’ancien dicton virgula divina, baguette divine ou magique, la phrase proverbiale le tour bâton; l'expression familière des sorciers et diseurs de bonne aventure populaire, par la vertu de ma petite baguette, semblent tirer leur origine du rôle important que la tradition fait jouer au bâton dans les sortilèges.
Quelles vertus n’attribuait-on pas à la baguette de Mercure devenue le caducée ? Minerve avait aussi un bâton magique dont elle usait pour faire paraître les gens jeunes ou vieux, suivant les circonstances. Circé, d’un seul coup de baguette, transformait les hommes en bêtes et les bêtes en hommes. On sait qu’aux miracles accomplis par les prêtres de Pharaon avec leurs baguettes, Moïse opposa ceux qu’il opéra avec le bâton qu’il portait. Les brahmanes portaient toujours un anneau et un bâton qu’on prétendait doués des plus miraculeuses vertus. Au moyen age, les alchimistes et les devins de tout genre et de tout ordre avaient parmi leur outillage de sorcellerie une baguette au moyen de laquelle, disaient-ils, on pouvait découvrir les mines souterraines d’or, d’argent, de mercure, etc...; le jésuite Kirches, dans son Mundus subterraneus, décrit le moyen de préparer ces sortes de baguettes, soit en bois poreux, comme le coudrier, soit en y introduisant des métaux capables, par leur affinité, d’attirer leurs analogues.
Jusqu’au XVII° siècle, on n’avait employés la baguette divinatoire que pour la recherche des mines métallurgiques; mais, vers la fin de ce siècle, Jacques Aimar, paysan de Saint-Véran, prés de Saint-Marcellin, prétendit découvrir, à l'aide de sa baguette de coudrier, les sources d'eau souterraines, les métaux enfouis profondément dans la terre, les maléfices, les voleurs et les assassins. Le bruit de ses miracles s’étant répandu dans toute la France, il fut appelé à Lyon, en 1692, pour contribuer à la recherche d’assassins qui avaient échappé jusque-la à toutes les investigations de la justice. On le conduit sur le lieu même où le crime a été commis; à l’aide de sa baguette, à ce qu’il prétend, il suit la piste des coupables, longe le Rhône, arrive à Beaucaire, découvre et fait arrêter l’un des auteurs du crime qui avoue sa culpabilité, est condamné à mort et subit sa peine.
D’autres expériences, plus ou moins couronnées de succès, ajoutent à la curiosité qu’inspire le paysan de Saint-Véran, qui devient lion, comme on dit aujourd’hui, de son époque. Les savants dissertent sur le principe qui peut donner à cette baguette des propriétés si merveilleuses. Les théologiens prétendent gravement que, s’il n’y a point de supercherie de la part des personnes dans les mains desquelles la baguette tourne, il faut qu’il y ait la très certainement un pacte avec les démons. Les physiciens et les chimistes allèguent les crépuscules, les vapeurs, les émanations qui s’exhalent des diverses substances, et la science en reste là.
Un siècle plus tard, Bletton renouvelait à Paris les prodiges de la baguette divinatoire appliquée à la recherche des sources et des métaux. En France, en Allemagne, en Italie, des médecins, des savants, firent de ce qu’ils appelaient l’électricité souterraine une science conjecturale, et la rhabdomancie se réduisit à peu prés à la découverte des sources. Voici encore ce que rapportait, il y a quelques années, un recueil anglais, le Quarterly Magazine, au sujet de la baguette divinatoire :
La baguette divinatoire n’est plus employée à la découverte des trésors, mais on dit que, dans les mains de certaines personnes, elle peut indiquer les sources d’eau vive. Il y a cinquante ans environ , lady Newark se trouvait en Provence dans un château dont le propriétaire, ayant besoin d’une source pour l’usage de sa maison, envoya chercher un paysan qui promettait d’en faire jaillir une avec une branche de coudrier : lady Newark rit beaucoup de l’idée de son hôte et de l'assurance du paysan; mais, non moins curieuse qu’incrédule, elle voulut tout au moins assister à l’expérience, ainsi que d’autres voyageurs anglais, tout aussi sceptiques qu’elle. Le paysan ne se laissa pas déconcerter par les sourires moqueurs de ces étrangers; il se mit en marche suivi de toute la société, puis tout d'un coup, s’arrêtant, il déclara qu’on pouvait creuser la terre. On creusa. La source annoncée jaillit, et elle coule encore.
Cet homme était un vrai paysan, sans éducation; il ne pouvait expliquer quelle était la faculté dont il était doué, ni la vertu du talisman; mais il assurait modestement qu’il n'était pas la seule personne à qui la nature avait octroyé le pouvoir de s’en servir.
Les Anglais présents essayèrent sans succès. Quand vint le tour de lady Newark, elle fut bien surprise de se trouver aussi sorcière que le paysan provençal. A son retour en Angleterre, elle n’osa faire usage de la baguette divinatoire qu’en secret, de peur d’être tournée en ridicule. Mais, en 1803, lorsque le docteur Hulton publia les Recherches d'Ozanam, où ce prodige est traité d’absurdité, lady Newark lui adressa une lettre signée X. Y. Z., pour lui faire part des faits qui étaient à sa connaissance. Le docteur répondit en demandant de nouveaux renseignements à son correspondant anonyme. Lady Newark le satisfit, et alors le docteur désira être mis en rapport avec elle. Lady Newark alla le voir à Woolwich, et, sous ses yeux, elle découvrit une source dans un terrain où il faisait bâtir une résidence d’été. C’est ce mème terrain que le docteur Hulton a vendu depuis au collège de Woolwich, avec un bénéfice considérable à cause de la source.
Le docteur ne put résister à l'évidence lorsqu’il vit, à l’approche de l'apparition de l’eau, la baguette s’animer tout à coup, pour ainsi dire, s’agiter, se ployer, et même se briser dans les mains de lady Newark. La baguette de coudrier est encore employée pour la découverte des sources dans diverses provinces de France. On se rappelle enfin les prodiges qu’accomplissait, il y a peu d’années, l’abbé Paramelle, dans un grand nombre de localités, pour la divination des eaux souterraines.
Tiré de 'L'art de tirer les cartes' par Antonio Magus, 1875.